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Taquiner le poisson dans les Calanques

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La Pêche au gangui dans le golfe de Marseille, par Jean Francis Auburtin, 1899, Muséum d'histoire naturelle de Marseille
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Pêcheurs napolitains du quartier Saint-Jean par Fernand Detaille, Marseille, 1903
La pêche côtière se pratique dans les Calanques depuis la nuit des temps. Cette histoire nous parvient surtout par la tradition orale, transmise de génération en génération. Quelques sources administratives ou techniques renseignent également sur l’évolution de cette pratique ancestrale.

 

Deux institutions : les prud’homies et la bouillabaisse

À la fin du Moyen-Âge, les pêcheurs créent les prud'homies. Une prud’homie permet de distribuer équitablement les lieux de pêche, de rendre la justice en cas de conflit et de créer une solidarité forte entre les pêcheurs. À Marseille, Cassis et La Ciotat, les prud’homies existent toujours et jouent un rôle essentiel pour l’activité professionnelle de la pêche aux petits métiers.

La bouillabaisse est le plat emblématique de Marseille. À l’origine, cette soupe était celle des pêcheurs. Avec les poissons abîmés, de l’eau de mer et une marmite, ils fabriquaient un bouillon dans lequel ils trempaient du pain. Avec la hausse du prix des poissons locaux, la bouia-baïsse (« quand ça bout, baisse ») devient peu à peu un plat de luxe que l’on sert dans les meilleurs restaurants.

 

La pêche à la madrague

Aux XVIIIe et XIXe siècles se pratiqua l'activité qui donna son nom au quartier de la Madrague de Montredon, au pied du mont Rose. Peut-être amenée de Grèce par les Phocéens, la pêche à la madrague permettait de capturer notamment thon rouge et maquereaux, à l’aide d’une série de filets fonctionnant comme un entonnoir. Une fois piégés, les poissons étaient harponnés et hissés sur les bateaux.

Cette technique de pêche coûtait cher, son exploitation était donc principalement réservée aux nobles. C'était même un privilège accordé par le Roi. Ainsi, en 1622, Louis XIII vient pêcher à la madrague à Morgiou ! En 1701, Louis XIV offre plusieurs madragues au comte Charles-François de Vintimille du Luc, dont celle de Montredon.

 

 

Une abondance et des petits métiers en péril

Jusqu’au XIXe siècle, la ressource alimentaire maritime est essentielle pour les populations vivant près des Calanques. Mais dès le XVIIIe siècle, les stocks de poissons se réduisent considérablement. En cause : la croissance démographique et la demande de plus en plus forte en poissons qu’elle suscite, ainsi que la pollution progressive de la mer et l’industrialisation de la pêche. Cette dernière met en péril la petite pêche artisanale…

Trois techniques de pêche, dangereusement efficaces, deviennent peu à peu de plus en plus performantes : la madrague, déjà décrite. La palangre à pendis, amenée par les Catalans. Enfin, le filet bœuf, ancêtre du chalut, utilisant deux tartanes, racle et détruit les fonds marins, dont les herbiers de Posidonie.

 

Encadrement de la pêche et zones de non prélèvement

Avec l’essor industriel au tournant du XIXe siècle, les premiers grands aménagements sur la côte (ports de commerce…) et la multiplication des rejets polluants (savonneries, soudes…) favorisent la dégradation, voire la disparition de milieux marins indispensables au développement des poissons.

La raréfaction de la ressource provoque une prise de conscience. En 1894, la première zone d’interdiction de pêche en France est créée à Endoume. Aujourd’hui, les zones de non prélèvement poursuivent cette démarche. D’autres mesures viennent compléter ce dispositif, comme les espèces protégées, les quotas et les tailles minimales de captures. Ainsi voit-on petit à petit revenir notamment de jeunes thons sur le littoral marseillais, comme près de l'archipel de Riou.

 

De Strabon à Casanova

Dès l’Antiquité, de nombreux auteurs, tel Strabon, géographe grec du Ier siècle, notent que la terre de la région est pauvre : ses habitants se tournent donc vers la mer pour subvenir à leur besoin, recourant au commerce maritime et à la pêche. À cette époque, la pêche est déjà si importante qu’elle déclenche une guerre entre Marseille et Carthage, comme le rappelle notamment Montesquieu.

Plus tard, au XVIIIe siècle, Casanova, de passage dans la cité phocéenne, tient absolument à y manger du poisson, car ils sont, écrit-il, « plus délicats que ceux de l’Océan et de la mer Adriatique ». Il va même jusqu’à dire que « les rougets qu’on mange là sont uniques » !

 

« Marseille, sortie de la mer avec ses poissons de roche, ses coquillages et l’iode ! »

Jules Supervielle

Rappel réglementaire

La pêche de loisir dans le Parc national des Calanques est réglementée, afin de maintenir un bon équilibre. Certaines zones sont même interdites à toute forme de pêche ou de chasse sous-marine. Ainsi, les jeunes poissons peuvent grandir en sécurité dans ces réserves.

Idées visites

Aujourd'hui, si la plaisance a pris de l’importance, les petits ports du littoral et des Calanques hébergent encore de petits navires qui pratiquent la pêche artisanale. Rendez-vous aux Goudes, à Sormiou et à Morgiou pour découvrir les pointus, le matin sur le quai du Vieux-Port pour le retour de la pêche, à la ferme aquacole du Frioul, et au musée d’histoire pour en apprendre plus sur cette pratique ancestrale !


Source URL: https://www3.calanques-parcnational.fr/node/11083