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Relever des défis et conquérir de nouveaux marchés, c’est ce qui a toujours motivé Jean-Michel Icard. Cet entrepreneur intrépide nous raconte comment il est passé du plus petit cargo de France à l’incontournable du transport maritime marseillais. 

Portrait par Éric Lenglemetz, recueil du témoignage par Noëlie Pansiot.

Au commencement : le plus petit cargo de France

Mes parents avaient un studio au Frioul et une barquette marseillaise, j'allais passer mes vacances là-bas. J’ai commencé des études de comptabilité, mais j’ai vite vu que ce n’était pas pour moi. Comme j’adorais les bateaux, surtout ceux en bois, j’ai suivi une formation de charpentier de marine.

Au Frioul, j’avais constaté des gros problèmes pour se ravitailler. Il y avait un petit supermarché très cher, donc tout le monde allait au Vieux-Port avec des cabas et des chariots pour ramener de la nourriture. J’ai alors décidé d’armer ma barquette au commerce et je suis devenu le plus petit cargo de France. Je faisais le tour des particuliers et des commerçants, les gens me donnaient une liste de courses et je descendais à Marseille avec ma barquette. Je prenais ma R16, j'allais au supermarché, je mettais tout dans ma barquette, et, de retour au Frioul, sur mon petit vélo avec ma petite charrette, je livrais.

Voilà comment ça a commencé, en 1984. Ça s'appelait Frioul Service. Ensuite, j'ai acheté un chalutier en Bretagne, Vaillant, mon bateau chéri. J’ai installé sept congélateurs dessus et j’ai pu développer mon activité auprès des restaurateurs. Je livrais aussi des pierres au château d'If. Ça a duré quelques années. 

L’aventure du transport de passagers

Un jour, le patron du Vieux plongeur est venu me voir, son club ne marchait pas, il m’a proposé qu’on travaille ensemble. Etant amateur de plongée, j’ai sauté sur l’occasion, j'ai créé un club de plongée et on est vite devenu une énorme structure, ce qui m’a permis d’acheter d’autres bateaux.

En 2004, j’ai commencé à faire du transport de passagers, et là, j’ai un bateau qui a brûlé… et ce n’était pas un accident. Le transport de passagers à Marseille, c’était chasse gardée. Heureusement pour moi, mon autre bateau, l’Ecume, adapté au fret, venait d’être construit. A ce moment-là, la Métropole cherchait des marins pour transporter les véhicules de service au Frioul. Donc, malgré les menaces, on a répondu à l'appel d'offre.

Manifestement, je n’avais toujours pas bien compris donc, en 2005, j’ai un deuxième bateau qui a fait boum. Et puis en 2006, ces braves gens ont été arrêtés par la gendarmerie ; la voie était libre...

En 2007, on a gagné un marché avec la ville de Marseille pour organiser la visite des Calanques depuis le Vieux-Port. En 2012, on a mis à l’eau l’Elyos, un bateau hybride dont je suis très fier parce que je l’ai bricolé moi-même, avec un ami plongeur. Personne n'y croyait, personne n'a voulu me faire crédit. Pour le rendre hybride, nous avons travaillé avec deux ingénieurs électroniciens d’une société de Cassis. Ça a marché du premier coup et on a déposé le brevet. 

Revenir aux sources 

Aujourd’hui, je suis le gérant de la société Icard Maritime et administrateur de la société Transrade en tant que sous-traitant de la RTM sur la ligne Vieux-Port - Frioul. Moi, ce qui m'a toujours plu dans ma carrière professionnelle, c’est le challenge, l'évolution. Maintenant que j'ai fait le tour de la question, le métier me plaît moins.

J’ai besoin de revenir aux sources. Ce que j’aimerais, c’est vendre mes structures et continuer juste avec Vaillant pour transporter peu de passagers, de manière conviviale, en prenant le temps.

L'inconvénient avec les grosses vedettes à passagers c’est que les commentaires se font au micro, donc c'est très impersonnel. Moi, ce qui me plaît avec les sorties sur mon petit bateau, c'est que je sors la tête de la cabine pour parler avec les gens ; il y a un vrai échange. J'aime être en mer, ma passion c'est de naviguer, raconter ma ville, raconter les Calanques.

J'aime ma ville. Et pourtant, quand j'ai commencé les croisières plongées avec Vaillant, on allait à Saint-Tropez, à Porquerolles, en Corse, mais jamais dans les calanques. J’étais tellement habitué à ce paysage que je ne réalisais plus à quel point il était beau. Il a fallu que les années passent pour que je me réapproprie les Calanques, en me demandant : « Mais pourquoi je vais si loin ? ».

Quand je fais la visite des Calanques, on a des paysages fantastiques, qu'on n’a pas ailleurs. Et en plongée sous-marine, Marseille c'est devenu le summum. Mais le problème des Calanques maintenant, c'est qu'il y a trop de monde. Sormiou, je n'y mets plus les pieds, c'est devenu un parking à bateaux, ça me fait mal au cœur de voir ça. Je vais vers les Pierres tombées, c'est moins accessible, il y a moins de monde ; c'est mon coin de repli. 


Source URL: https://www3.calanques-parcnational.fr/node/16038