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Depuis le jour où la gueule du loup est apparue sur son écran d’ordinateur, capturée par un piège photo, le quotidien de Nicolas Rossignol est rythmé par les allers et venues de la meute. Il raconte sa joie d’assister au retour de ce prédateur dans le territoire des Calanques.

Portrait par Éric Lenglemetz, recueil du témoignage par Noëlie Pansiot.

La rencontre avec le loup 

Anciennement à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, j’ai récemment intégré l’équipe du Parc national des Calanques en tant que garde-moniteur. J’aime ce métier parce qu’il allie le côté police de l’environnement et suivi naturaliste, deux activités qui m’animent particulièrement.

L’arrivée du loup, c’est quelque chose qu’on pressentait au Parc national. On en parlait même avant d'avoir des indices puisque des meutes étaient établies dans les massifs voisins. Lorsqu’on a trouvé les premiers indices, ça a motivé la pose de pièges photos, ce que j'ai fait dans un premier temps.

Et puis vient ce moment où on relève le piège photo pour visualiser les images, c’est quelque chose d’assez excitant puisque c’est la découverte de l’inconnu. Des fois, il n’y a rien du tout, des fois, il y a des images tout à fait ordinaires, et puis des fois, c’est extraordinaire…

C’est le cas de ce jour où je suis tombé sur cette image de loup qui regarde le piège photo. C'était la première image qu’on ait eue. J'étais seul devant mon écran, c’était très émouvant. J’ai appelé mes collègues, c’était magique de partager avec eux ce moment. L’arrivée d’un grand prédateur sur un territoire comme celui-ci, où il était absent depuis plus d’un siècle !

Très vite, beaucoup d'acteurs du territoire, notamment des chasseurs, des éleveurs, des gestionnaires, nous ont fait remonter des indices. Ça nous a beaucoup aidé dans la mise en place des pièges photo et dans l'acquisition de nouvelles images.

Sur la piste du retour du loup

Ce qui s'est sans doute produit pour le territoire des Calanques, c'est qu'on a eu dispersion dans l'axe Est-Ouest d’individus provenant d’une meute de la Sainte-Baume.

Chez le loup, il y a beaucoup de dispersion, car seul le couple alpha peut se reproduire dans la meute. Aujourd'hui, s'il a choisi ce territoire, c'est parce qu'il y a une abondance de proies, comme le sanglier et le chevreuil. C’est également une zone plutôt calme et préservée des activités humaines.

D’ailleurs, on reste souvent axé sur la partie maritime des Calanques avec les îles, en occultant cette partie plus sauvage du territoire. Je fréquentais peu ce massif Saint-Cyr Carpiagne, voire pas du tout, avant de travailler au Parc et j’en suis tombé amoureux.

C’est un massif assez vaste avec une végétation rase, des paysages vallonnés, des sommets parmi les plus hauts des Calanques, donc une véritable profondeur dans les paysages, c’est assez extraordinaire pour notre région.

Lors des pluies, certains cours d’eau temporaires s’activent, la biodiversité est très riche dans ces vallons et ces crêtes, on y trouve des passereaux rares comme le Traquet oreillard ou encore des rapaces comme le Circaète Jean-le-Blanc, le hibou grand-duc, le faucon crécerelle, des ongulés sauvages et maintenant leur prédateur naturel : le loup.

Un quotidien rythmé par le loup

L’arrivée du loup a changé pas mal de choses dans mon quotidien professionnel, et même personnel. Je suis en charge de son suivi sur le territoire, ça demande du temps et de l’investissement, et on doit évidemment assurer les autres missions de notre métier.

Il m’arrive alors de prendre sur mon temps perso, notamment pour analyser les images des pièges photos. Je fais ça le soir venu avec ma fille de deux an et demi, elle réagit aux images du loup, je trouve ça drôle.

Désormais, mes lectures sont différentes, on essaye tous d’en apprendre un peu plus sur cet animal fascinant et ses comportements ; pour ça, les pièges photos sont très instructifs.

En tant que professionnel travaillant en faveur de la biodiversité, l’arrivée du loup est un peu comme un aboutissement mais je resterai assez sage par rapport à ça. Le loup à la capacité de s’adapter à tous les espaces, il peut même franchir les autoroutes, donc je ne ferai pas ce raccourci en disant que l’arrivée du loup prouve que tout va bien.

Ce qui peut nous inquiéter dans ce contexte de réchauffement climatique, c’est le manque d’eau, ça peut être un facteur limitant sur le long terme.

Certaines personnes me demandent parfois « mais si je le vois, qu'est-ce qu'il faut que je fasse ? » Je leur réponds "Saisissez la chance de le voir, parce que ce n’est pas tous les jours que vous verrez un loup !" Et en effet, vous ne risquez rien.


Source URL: https://www3.calanques-parcnational.fr/node/16042